Intermede post elephantesque

Qui vole un œuf… vole un bœuf ?

Enfin rentrée dans mon Museum adoré, j’ai pu souffler, me remettre de mes émotions, ranger mes trésors, contacter des acheteurs pour mes fragments de saphir (sans leur en donner l’origine, pour plus de sécurité), et raconter au moins cent fois mes aventures édulcorées aux Beeguhdiz du camp. C’est au court d’un de ces feux de camps qu’un Beeguh de passage (nous en accueillons souvent autour de notre feu, lorsqu’ils font étape) nous a donné des nouvelles du monde. De Londres, en l’occurrence. Il s’appelait Stefen, et c’était un Beeguh mélangé rat et pie ! Un drôle de personnage, autant le dire. Il venait de Londres, où il avait habité jusqu’à devoir quitter la ville en quatrième vitesse parce que les humains avaient découvert son repaire et qu’il risquait de se faire tuer. C’est donc des nouvelles de la Tamise qu’il nous a données. Une fois les divers potins passés, il nous a fait la revue des grands événements marquants des derniers mois.

L’un d’entre eux a attiré tout de suite mon attention. J’ai bien vu que Boursin me regardait d’un œil suspicieux… mais on ne se refait pas, hein ! Stefen, donc, nous a parlé d’une légende urbaine qui avait fait les gros titres des journaux à sensations. Une malédiction, pensez-donc ! Il s’agissait de la momie d’une vache-naine, venue d’Egypte, aux cornes recouvertes d’une feuille d’or, et qui passait pour être dotée de pouvoirs. Le British Museum, qui l’avait dans sa réserve depuis très longtemps, quand Wallis Budge, directeur de ce musée à la fin du XIX°s, l’avait rapportée d’une des ses expéditions égyptologiques, avait décidé de la mettre aux enchères, comme cela arrive parfois avec les objets que les musées ont dans leur réserve, mais qui n’ont pas une grande valeur et qu’on ne peut pas exposer. Ces objets finissent donc dans les collections des particuliers. Or cette mini-vache momifiée avait une réputation à Londres. On disait que, lorsque Budge l’avait rapportée d’Egypte, deux des marins du bateau avaient péri lors d’une tempête. Puis un des assistants de Budge, qui étudiait l’objet, était mort d’une crise cardiaque alors qu’il n’avait que vingt ans. Enfin, une femme de ménage qui venait nettoyer la paille éparpillée autour des caisses dans lesquelles on transporte les objets archéologiques était mystérieusement tombée malade, et elle ne s’en était jamais remise. Elle était morte quelques temps plus tard. A une époque où l’Egypte faisait sensation, et où les malédictions étaient à la mode, ça n’avait pas raté, on avait décrété que la momie était maudite, et Budge, juste avant de quitter son poste de conservateur du British Museum (malédiction ou incompétence ?) l’avait transportée dans la réserve du musée, où elle avait patiemment attendu pendant très longtemps qu’un huissier décide de la mettre en vente.

Et cette vente avait finalement eu lieu quelques mois auparavant. Le nouveau propriétaire de la momie s’était vanté auprès des journaux de pouvoir déjouer la malédiction, et de ne pas croire à ces fadaises. Il l’avait exposée dans son salon. Evidemment, quand sa famille a été décimée par une grippe fulgurante et mortelle quelques semaines plus tard, tout le tintouin de la malédiction est ressorti, et les journaux, qui n’ont pas progressé dans leur professionnalisme depuis le XIX°s, se sont emparés de la nouvelle. La vache se trouvait désormais abandonnée dans la maison vide du pauvre monsieur décédé, sous les scellés de la police. Un mystère archéologique à résoudre… autant dire que je n’aurai pas de repos tant que mes recherches pour retracer l’origine de la momie en question n’auront pas abouti à des réponses. J’ai toute la collection des comptes-rendus de fouilles de Budge au Museum (le mien, pas le British), et je vais compulser tout ça, ainsi que mes livres de légendes égyptiennes, pour comprendre ce que c’est que ce drôle d’objet bien intrigant.

Mais avant tout, je dois me trouver un assistant. Ça urge ! J’en ai assez d’affronter le danger, les malédictions, les démons, les pièges et autres caves répugnantes toute seule. Il me faut quelqu’un de courageux pour m’aider. Je vais mettre une petite annonce.