L'enfant de la montagne

La petite masure de pierres calcaires était perchée en haut d’un piton rocheux, après un détour du chemin. De la fumée sortait de la cheminée. Couchée sur un coussin, Maman tricotait un pull pour son fils, grâce à la laine qu’ils avaient échangée à un berger en échange d’une aide pour passer le col encore très enneigé malgré l’arrivée du printemps, qui rendait le risque d’avalanches encore plus grand. Ses poils de carcajou la protégeaient bien du froid en bas, mais elle-même portait, sur son torse et ses membres supérieurs, un gros châle de laine. Une quenouille et un fuseau étaient rangés dans un coin. Maman jeta un regard attendri sur son fils, petit bonhomme pas plus gros qu’une miche de pain, qui avait grimpé sur les genoux de son père. Il n’était pas encore bien gros, mais il grimpait déjà partout comme une chèvre des montagnes, et creusait frénétiquement des trous dans la moindre parcelle de terre meuble, pour savoir ce qu’il y avait dessous. Il rentrait tout couvert de terre collante, et Maman devait le laver à la source, et brosser ses longs poils pendant des heures.

Pour le moment, il était à peu près propre, et regardait Papa avec ses grands yeux doux. “Papa, raconte-moi la montagne !” dit-il d’un ton suppliant. “Encore ?” s’étonna Papa, “Mais Nigel, je t’ai déjà raconté cette histoire hier !” Comme le petit insistait, Papa commença à raconter à nouveau l’histoire de la bataille des rochers qui s’étaient jetés les uns contre les autres et s’étaient percutés, créant les hautes montagnes. Il expliqua que le ciel, leur père, avait pleuré des larmes de neige, et que parfois, la montagne se mettait en colère et jetait la neige sur ceux qui osaient troubler son repos d’hiver. Aussi, il était important de...

Papa regarda Nigel. Le petit s’était endormi, roulé en boule de poils, la queue autour des épaules comme une écharpe, son tout petit pouce dans la bouche. Sa respiration était calme et profonde. La journée avait été longue pour un enfant si jeune. Papa prit Nigel dans ses bras avec délicatesse. Il était si petit ! Beaucoup plus petit qu’un enfant humain. Il ressemblait à sa mère, mais il avait les yeux de son père. Se redressant de toute sa hauteur sur ses deux longues jambes d’humain, Papa porta la petite boule poilue qu’il était fier d’appeler son fils jusqu’au hamac de jute où il dormait habituellement. Puis il rabattit une couverture sur les rêves étoilés de son petit trésor.