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Pierres papiers ciseau - Partie 1

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Nefermeritaset's avatar
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Juillet, camp Beeguh.

Nous sommes prêts à partir, Nigel, Willka et moi, pour l’Iran. C’est le pays dans lequel se trouve, actuellement, l’ancien pays d’Elam où se trouvent les ruines de la ville d’Awan, et le mystérieux palais disparu du roi sumérien Mesh-Ummia. Le problème, c’est que je ne sais pas exactement où sont ses ruines : j’ai les coordonnées géographiques de l’endroit où a démarré l’expédition du savant Wilhelm Sieger, mais je ne sais pas exactement où il a finalement trouvé la cité, car il n’a pas eu le temps de l’écrire avant de disparaître, et son assistant n’a pas cru bon de le mentionner non plus. Du coup, nous allons nous retrouver quelque part au Nord de la route Dezful-Sardasht, dans un désert montagneux qui devrait être tout proche de nos ruines, mais sans savoir dans quelle direction aller. Je dois me fier au début du carnet de voyage de l’assyriologue, pour retracer son propre parcours depuis Suse, et essayer de voir vers où il a pu orienter ses recherches. Espérons que nous parviendrons à trouver l’endroit, car je doute que la région soit hospitalière. Pourvu que nous ne tombions pas sur des humains en prime ! Cela dit, cette région n’est pas très fréquentée. Ce sont surtout des ruines et du désert, depuis que le croissant fertile s’est asséché (les croissants secs, ça n’est pas très bon). Et de la montagne. C’est très vallonné, d’après ce que j’ai pu voir sur les cartes. Du sport en perspective ! Les sports de vallon, c’est toujours à la mode.

Avant de partir, je dois consigner par écrit les circonstances de ce départ un peu précipité. Après mon aventure dans la bibliothèque universitaire, où j’avais été surprise par un intrus alors que je lisais le journal de fouilles de Wilhelm Sieger sur les ruines du merveilleux palais recouvert de pierres précieuses et semi-précieuses du roi maudit Mesh-Ummia, j’ai prévenu Nigel et Willka, que j’ai réveillés avant l’aube pour leur expliquer de quoi il retournait. Pour qu’ils comprennent les enjeux, j’ai dû leur raconter la légende de Ninurta contre l’Asakku.

Il était une fois le dieu Ninurta, qui était le fils de la belle déesse Ninlil et du dieu de la Terre (qui était aussi l’un des trois « grands dieux » des sumériens) Enlil. Un jour que Ninurta se reposait, sa masse d’armes, qui était aussi son meilleur ami et qui avait pour nom Sharur, l’informa qu’une créature puissante, un géant prodigieux massait ses forces dans la montagne de Zagros : l’Asakku. Cet homme, qui s’était nourri et élevé tout seul, sans parents, était un assassin, un roi cruel, et un soldat hors normes. Il avait pour armée les pierres de la montagne, avec lesquelles il commettait des raids contre les autres pierres, qui fuyaient de peur ou se soumettaient à lui. Le silex, l’émeri, la pierre à chaux, le granite étaient ses alliés, et il avait été élu roi par ceux qui l’aimaient ou le craignaient. Il menaçait maintenant le monde des hommes, et voulait tuer les dieux pour prendre leur place. Le sang divin de Ninurta ne fit qu’un tour, et, assisté de quelques pierres qui ne voulaient pas du règne de l’Asakku, comme le lapis-lazuli, l’hématite, la diorite, l’albâtre ou la turquoise, il se prépara au combat, revêtit ses armes, et marcha contre la montagne. Sa mère Ninlil, inquiète, voulut l’accompagner pour le protéger, mais il l’ignora. C’est donc avec Sharur, sa masse d’armes, qu’il marcha contre le royaume de l’Asakku. Il tenait les vents d’orage attachés à son bâton, et sa tête semblait toucher le ciel. Un énorme ouragan paraissait l’entourer alors qu’il marchait, détruisant sur son passage les hommes, les montagnes, les forêts. Il atteignit le champ de bataille, où il réduisit en poussière l’avant-garde des pierres de l’Asakku, puis il combattit le gros de son armée, aidé de son fidèle ami Sharur qui faisait éclater la roche sous ses coups. Le sol trembla. Le ciel devint noir. La bataille finale qui opposerait Ninurta à l’Asakku était proche. Soudain, l’Asakku prit Ninurta par surprise, et se jeta sur lui dans son dos ! Les terres alentour se changèrent en cendres, et toute vie déserta la montagne. Le bruit des coups échangé s’entendit jusqu’aux cieux, et les grands dieux eux-mêmes s’aplatirent contre les murs de leur divin palais tant le vacarme et les secousses étaient terrifiants. Mais Ninurta n’avait pas dit son dernier mot et, brandissant Sharur, il l’abattit contre la montagne, détruisant ses ennemis sur son passage, et créant, dans les crevasses du sol, des rivières de sang. Il avait vaincu toutes les troupes ennemies, mais l’Asakku, qui s’était replié au sommet de sa montagne, résistait encore. Alors Ninurta se rua contre lui de toute sa puissance divine, et l’Asakku, malgré sa force, ne put soutenir l’attaque frontale du dieu, et périt sous ses coups, disparaissant dans la pierre-même d’où il avait jailli. Lorsqu’il ne resta que de la poussière de cet incroyable ennemi, les dieux se réjouirent et festoyèrent. Mais Ninlil n’avait pas le cœur en fête. Pleine de tristesse, elle s’adressa à son fils en ces termes : « Ninurta, mon fils que j’ai porté pour le Père Enlil, que j’ai mis au monde, que j’ai nourri. Tu m’as refusé un regard, une parole, quand je t’ai offert mon aide. Fier, tu es passé devant moi sans t’arrêter, me laissant derrière toi dans l’inquiétude. » Ninurta répondit à sa mère : « Noble Ninlil, tu as voulu me venir en aide, quitte à t’enfoncer dans les terres ennemies sans espoir de retour. Pour moi, tu aurais sacrifié ta vie. Je veux te récompenser de cet amour. Désormais, tu seras la Dame des Monts, et tu régneras sur la montagne prospère, sur laquelle je répandrai l’eau qui donne la vie, et où pousseront les belles plantes qui nourrissent les troupeaux. Ces troupeaux seront à toi. Ces eaux seront à toi. A toi aussi, les ressources de la montagne fière, le cuivre, l’or, le sel, l’argent, et tous les arbres qui pousseront sur les flancs rocheux, le beau cyprès, le cèdre dont on utilise le bois, les arbres fruitiers, le miel des abeilles, et toutes les richesses des montagnes. Je te les offre. » Remerciant pour ces grands pouvoirs, Ninlil se retira en bénissant son fils. Mais il restait une tâche à accomplir pour Ninurta : décider du sort des vainqueurs et des vaincus. Il condamna les pierres qui avaient combattu pour l’Asakku, comme l’émeri, le silex, et le granit, à devenir des matériaux de construction, traités par l’homme comme de simples moyens, réduits en poudre, cassés, empilés sans ménagement. Mais pour les pierres qui s’étaient rangées de son côté, comme l’hématite, la diorite, l’albâtre, le lapis-lazuli, la turquoise ou la fluorine, il décida d’un sort bien plus enviable : doucement taillées par le ciseau de l’artisan, polies, serties, elles seraient la parure des dieux, des déesses et des rois. Côtoyant l’or, l’argent et le cuivre, elles seraient vénérées et respectées. Ainsi se fit la distinction entre les pierres de construction et les pierres précieuses.

Je racontai ensuite à mes compagnons l’histoire du roi qui avait voulu bâtir un palais qui servirait d’écrin à toutes ces belles pierres, pour honorer la décision de Ninurta. Le fou n’avait pas pensé à demander la permission à la belle Ninlil, Dame des Monts, ni à lui faire des sacrifices, et il avait été maudit. C’était ce palais que je voulais retrouver à tout prix, et je craignais que nous ayons de la concurrence, à cause des événements de la nuit, dans la bibliothèque. J’avais été surprise, mais je ne le serais plus : nous devions partir très vite, et nous équiper pour affronter la montagne et le désert. Nigel m’a dit que la montagne, c’était son rayon, et qu’il pouvait nous conduire et nous prévenir des dangers. Il préfère la montagne à la forêt tropicale, je crois. Avant de partir, je demandai à Nigel d’emporter de la viande séchée et de quoi faire du feu pour la griller, afin de pouvoir faire des sacrifices en cas de besoin. Après tout, l’endroit a été maudit par une déesse, et même si le pouvoir des dieux s’est amoindri depuis le temps, le retour de la magie dans le monde du Miroir laisse présager des désagréments, si nous partons sans être équipés. Nous avons aussi pris du pain et du fromage, et surtout de belles réserves d’eau, au cas où nous ne trouverions pas l’endroit exact du tell qui cache les ruines du palais tout de suite. Car qui croyait prendre le tell est pris.

Une aventure de Sydney Badger fav.me/dan1v9e  et Nigel Kahlua fav.me/daxy95e dont le design appartient à :iconmaiwenn:, et Willka fav.me/db7zvg1, dessin de :iconkineko: et colo de :iconmaiwenn: et le concept relève du groupe :iconokhong: 

English complete version to come when French publishing is done. :) 

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ValkAngie's avatar
C'est une très jolie légende!

Ah, mais ce mot de la fin...! :heart: