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Seine perdue - Partie 4

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Nefermeritaset's avatar
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Fin juin, camp Beeguh.

Je suis vivante ! Vivante et presque en pleine forme. Nous sommes de retour au camp, les bras chargés des richesses d’une famille aujourd’hui éteinte, mais qui, visiblement, à l’époque gallo-romaine, avait quelques moyens… des moyens substantiels, même ! Nous sommes riches. Bon, d’accord, ça ne sert à rien à Okhong, mais on ne sait jamais, ça peut servir pour un voyage futur. En plus, je suis sûre que je vais trouver des amateurs et amatrices pour les jolis bijoux et pierres précieuses que j’ai trouvés. L’or, je le garde. Je suis comme ça, j’aime sa couleur, son odeur… et puis ça célèbre le fait que je suis vivante. Et j’ai bien l’intention d’en profiter. Comment c’est arrivé ? Par miracle…

J’étais à l’agonie, dans les couloirs piégés d’un dolmen agaçant qui m’avait démoli deux pattes et quelques côtes, les enfonçant probablement dans mes poumons, vu les difficultés que j’avais à respirer et le sang qui me coulait par la bouche. J’avais très peu dormi, un sommeil plein de délires et de douleur, et sans doute de fièvre. J’ai ouvert les yeux pour découvrir le visage d’abord flou, puis franchement inquiet, de Nigel, qui était penché sur moi et tenait devant ma bouche un petit miroir de poche qu’il avait dû trouver dans mes affaires. Le pauvre ! Il vérifiait si je respirais encore ! Le fait que j’ouvre les yeux confirma le diagnostic de la buée sur le miroir : je n’étais pas morte. Et j’avais encore du travail à faire, pour mener mes assistants au bout de cette quête. Je n’allais quand même pas laisser tomber si près du but ! Même si, je dois l’avouer (mais ne le répétez jamais à Nigel, il me tuerait pour de bon), je crois que le Miroir était à ce moment-là assez rechargé pour nous ramener au camp. Nous étions presque à la fin de l’énigme, et les deux portes en face de moi me donnaient facilement la réponse à la partie suivante du puzzle : « tu devras choisir la bonne porte : celle de la vie ».

En effet, nous étions installés dans un grand couloir de pierre, et deux vastes portes fermées perçaient le mur devant nous. Sur le manteau de l’une d’entre elles, on voyait un cheval, et sur l’autre, un homme dont les mains portaient un genre de jet de bulles. Pour n’importe quel spécialiste de la mythologie celte, c’était évident. Epona, la déesse à cheval, avait beau avoir des côtés positifs, son cheval était réputé psychopompe, c’est à dire qu’il guidait les âmes des morts vers l’au-delà. Ça ne me tentait pas trop. En revanche, Borvo, le dieu guérisseur maître de l’eau bouillonnante, indiquait sans aucun doute la voie de la vie. J’ordonnai donc à Nigel d’ouvrir la porte de droite, qui portait son symbole. Il se pencha vers moi sans comprendre. Mince. J’étais si faible qu’il n’avait pas entendu mes paroles ! Je fis signe à Willka de se poser sur mon épaule, pour mieux m’entendre, et répétai ma consigne. Willka transmit à Nigel, qui soupira, fronça les sourcils, mais s’exécuta. La porte s’ouvrit comme prévu sur un couloir d’apparence normale. Mais l’énigme précisait qu’il fallait le traverser dans la position du rameur. Assis, donc, probablement. Il devait y avoir un piège en hauteur, aussi dis-je à Willka de ne pas voler, mais de marcher dans ce couloir. Quant à Nigel, même avec moi dans les bras, il ne dépassait pas la taille d’un humain assis. Nous n’eûmes donc pas de problème pour traverser. A tout hasard, une fois en sécurité de l’autre côté, je demandai à Nigel de passer un morceau de branche dans la partie haute du couloir. Ce que nous vîmes nous glaça d’horreur : des lames acérées surgirent du plafond et fendirent l’air dans un mouvement de balancier. Nous aurions été plus grands, ces lames nous auraient découpés en rondelles ! J’étais déjà en assez piteux état comme cela… Fuir rondelles ne fait pas le printemps, mais ça sauve des vies.

Nous prêtâmes alors attention à l’endroit où nous étions. C’était un genre de vestibule, comme on en trouve parfois avant la partie vraiment sacrée (le fanum) d’un temple. Une petite pièce toute simple qui n’était même pas mentionnée par la lettre, de forme arrondie. En face, une grosse porte nous barrait l’accès à ce qui devait être le véritable lieu sacré, celui où le culte de Sequana était célébré. Le lourd loquet était rouillé par le temps et l’humidité, mais je parvins à réunir assez de force pour le décoller de son support grâce à une petite explosion magique de mon cru. Malheureusement, cela occasionna une nouvelle quinte de toux pleine de sang, et Nigel s’alarma car il m’assura y avoir vu un caillot. Il ouvrit tout de même la porte, mais n’avait plus vraiment le cœur à l’ouvrage. Willka vola le premier dans la pièce et alla allumer les torches qui s’y trouvaient, bien que l’endroit soit déjà éclairé par la lumière du jour grâce à un étroit puits de lumière qui donnait au fond de la salle, juste au-dessus d’un petit réceptacle en pierre rectangulaire d’où partait une sorte de gouttière. Ce réceptacle était en contrebas d’un socle de pierre brute taillé à même le mur, sur lequel trônait une statuette de bronze massif représentant Sequana, couronnée et vêtue luxueusement, debout sur sa barque. Nous l’avions trouvée ! Un regard dans le coin gauche de la salle me confirma que le trésor de la famille de Béatrix était toujours là. Mais je me sentais si faible, si épuisée que je n’eus même pas le courage de m’y ruer pour vérifier si c’était un trésor conséquent ou juste un maigre pécule de pomme de terres (mais si, vous savez, celui qu’amassent les paysans grâce à leurs récoltes ! Remarquez, à l’époque, on ne cultivait pas la patate… mais c’est l’idée).

Mon regard se voilait, et quand j’essuyai d’un revers de main le sang qui coulait de mes lèvres, je vis qu’il était très sombre, et qu’il contenait des caillots de sang. Sûrement pas bon signe. Je toussai une fois encore faiblement, mais cela me faisait si mal que je dus m’interrompre, m’étranglant à moitié. Je murmurai à l’oreille de Nigel, qui me serrait désormais contre lui comme si sa vie en dépendait : « Pose-moi sur… l’autel, là, devant la… déesse. Peut-être… qu’il reste… un peu de magie…pour… ». Nigel n’attendit pas la suite. Il me déposa dans le réceptacle, et je m’aperçus que, dans la pierre que surplombait Sequana, une large fente d’origine apparemment naturelle s’ouvrait, comme une sorte de bouche. Surprise, je tendis faiblement la main pour la toucher et m’assurer de sa réalité, car j’avais peur d’avoir une hallucination. Mon sang, qui recouvrait mes doigts, teinta la pierre fraîche, et un drôle de bruit nous fit tous sursauter. On aurait dit une sorte de grondement, qui devenait de plus en plus fort. Willka, affolé, vola jusqu’à l’orifice qui apportait de la lumière, tout en haut, pour voir si un éboulement nous attendait… mais il se trompait de direction. C’est moi qui reçus la première les indices de ce que nous avions déclenché. De la « bouche » de pierre se mirent à ruisseler des gouttes d’eau froide, qui me tombaient dessus. Je crois que j’ai couiné, mais je n’avais pas la force de m’écarter. Je fus bientôt inondée par un flot abondant d’eau qui jaillissait de l’autel. Une fontaine ! Bien sûr ! C’était logique dans un temple de Sequana, qu’une source d’eau dérivée de la Seine vienne rappeler aux fidèles ce qu’ils vénéraient. L’eau me coulait dessus, nettoyant mon visage plein de sang et de terre, lavant mes blessures, puis s’évacuait par la rigole, allant je ne sais où par-delà le mur du temple. Elle était toute rose, teintée de mon sang.

Soudain, je me sentis mieux. Mouillée, glacée, mais mieux. Je pouvais respirer, il me semblait que mes pattes remuaient normalement sous mon corps, et la douleur insupportable à mon côté s’estompait. Par le sacrifice de mon sang sur l’autel, nous avions réveillé le pouvoir de la déesse ! Sequana bénissait ses fidèles de son eau curatrice et fortifiante. J’étais sauvée. Nigel, quant à lui, n’avait pas encore vu ce miracle, car le flot continu d’eau de Seine qui me tombait dessus ne lui permettait pas de voir grand chose. Il tentait donc de me tirer de là, se mouillant lui aussi pour le compte. Ce n’est que lorsque je fus dans ses bras, trempée mais guérie, qu’il s’aperçut du changement. Il tâta mes pattes, incrédule, puis regarda sa propre patte, dont l’estafilade avait disparu dans la foulée. Le soulagement et l’incongruité de la situation nous fit éclater de rire, tandis que Willka, étonné, venait voir ce qui nous arrivait. Nous lui expliquâmes en peu de mots que nous avions été bénis par la déesse, que nous avions réveillé un culte pluriséculaire par accident, et que c’était, en gros, sans doute une bonne chose. Après tout c’était une déesse bienfaisante. Comme j’étais trempée, je retirai ma veste qui était alourdie par l’eau, et Nigel rougit un peu. Je mis quelques secondes à réaliser que c’était parce que ma jolie chemise de lin toute neuve (qui n’était plus tachée de sang… c’est génial cette eau… ça fait détachant en prime !) était toute collée à ma peau. Et le lin mouillé, c’est un peu transparent. Oups. Enfin, pour une fois qu’on arrête de me prendre pour un garçon manqué, ça me change ! Je demandai à Nigel de me poser au sol, essorai bien ma veste, et la remis (la laine, ça tient chaud même quand c’est mouillé, c’est pratique). J’aurais bien retiré la chemise, mais les garçons auraient fait un malaise, je m’abstins donc. J’utilisai une des couvertures pour essuyer un peu ma fourrure, et en tendis une autre à Nigel, qui entreprit de faire de même en silence. C’est alors que Willka voleta vers la gauche de la pièce, en disant : « Bon, on l’ouvre, ce trésor, ou bien on campe ici ? ». Il y a du bon sens dans ce crâne de piaf, finalement.

Je fis donc sauter les antiques verrous, et nous ouvrîmes les coffres de fer rouillés pour découvrir leur contenu. Dans nos yeux se reflétaient or, argent, bijoux, pierreries, perles de verre, et tout ce que l’esprit peut imaginer d’un trésor familial caché à la hâte. Je regardai les pièces de plus près, et m’aperçus que c’était un étrange mélange de toutes sortes de monnaies, toutes gauloises, mais d’époques très variables. Certaines dataient d’avant la conquête de César, et représentaient même Vercingétorix, qui avait fait battre monnaie à son image. Et non, il n’avait pas de barbe ni un casque à cornes. C’était un beau jeune homme avec des bouclettes. Si, je vous jure. Il y avait des pièces frappées aux effigies des divers empereurs romains qui s’étaient succédés, et même certaines qui représentaient les usurpateurs. Et quelques unes des pièces, plus récentes, étaient franques. Tout cela était en or ou en argent, la petite monnaie ayant été utilisée pour autre chose, sans doute. Les bijoux étaient très beaux aussi : quelques torques, des bracelets, des pendentifs en forme de diverses divinités celtes, dont Sequana (je me jurai bien de le porter, celui-là. Moi, une déesse qui me sauve la vie, j’y crois fermement !), des boucles d’oreilles, des pierres précieuses et semi-précieuses (améthyste, citrine, quartz, et tant d’autres), bref, un véritable trésor de bric et de broc, rassemblé à la hâte par une famille pressée. Ayant glissé tout ça dans nos sacs un peu pêle-mêle, nous décidâmes de rentrer en voyant si le Miroir était rechargé. Au diable les « pièges que le dolmen oppose » : c’était réglé.

Voilà comment nous sommes arrivés au terrier un peu chargés, un peu trempés, mais heureux, et en bonne santé. Il nous restait à peine quelques bleus pour nous rappeler de notre aventure. Willka était tout excité, c’était sa première aventure archéologique. Et nous n’avions pas sommeil, aussi, quand nous avons eu fini de ranger notre trésor bien à l’abri au Museum, nous sommes allés nous réchauffer près du feu de camp, et j’ai pris la plume pour écrire le compte-rendu de cette aventure dont j’ai cru ne pas revenir. Mais je dois rester discrète, et Boursin ne doit surtout pas savoir tous les détails, sans quoi il va faire une crise d’apoplexie et m’enchaîner à mon terrier pour toujours. Je lui raconterai une version édulcorée où nous avons pris tout de suite le bon chemin. Après tout, c’était une énigme facile : comment aurions-nous pu nous tromper ?

Une aventure de Sydney Badger fav.me/dan1v9e  et Nigel Kahlua fav.me/daxy95e dont le design appartient à :iconmaiwenn:, et Willka fav.me/db7zvg1, dessin de :iconkineko: et colo de :iconmaiwenn: et le concept relève du groupe :iconokhong: 

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Daegann's avatar
Ca fini bien ^^
C'était vraiment sympa comme petite histoire. Bon cela dit j'ai bien compris que j'avais pas pris la première de ses aventures... Je vais aller jeter un œil aux premiers épisodes ^^